UNE AUTRE RESSOURCE POUR L'APICULTEUR:L'AIDE A LA POLLINISATION



EN QUOI CONSISTE LA POLLINISATION ?

C'est le transfert de grains de pollen depuis l'appareil reproducteur mâle (étamines) vers l'organe femelle (pistil) qui contient les ovules. La rencontre d'un ou de plusieurs grains de pollen avec le pistil est nécessaire pour qu'il y ait fécondation. L'ovule fécondé évolue ensuite vers la formation d'un pépin ou d'un noyau.

Dans certains cas, même si les appareils reproducteurs mâle et femelle sont situés sur la même fleur (voir Morphologie florale) certaines limitations peuvent rendre non productif le transfert de pollen provenant de la même fleur ou de la même plante, la plante est alors dite auto incompatible. En conséquence, l'apport de pollen provenant d'autres fleurs ou plantes est nécessaire. Le transfert de pollen peut être effectué par plusieurs vecteurs dont les insectes (voir Types de pollinisation).

QUELLE EST L'IMPORTANCE DE LA POLLINISATION ?

En passant d'une plante à une autre, les insectes pollinisateurs favorisent la fécondation croisée entre plantes de même espèce ou variété mais ayant un patrimoine génétique différent. Cet enrichissement génétique (éthérosis) entraîne une amélioration qualitative et quantitative de la production.

L'intensité de la pollinisation a aussi une grande importance. La taille d'un fruit est proportionnelle au nombre de pépins, puisque pour chaque pépin, correspondra un certain volume de fruit (augmentation du calibre). De plus, si les pépins sont peu nombreux, ils risquent d'être répartis de manière non homogène et, en conséquence, le fruit aura une forme irrégulière.

Une bonne pollinisation augmente la nouaison, la résistance des fruits à la chute et leur dimension et améliore la conformation du fruit. Les caractéristiques organoleptiques (goût - texture) et la capacité de conservation du fruit peuvent être aussi considérablement améliorées par une bonne pollinisation.

A QUELLES CULTURES PROFITE, LA POLLINASATION PAR LES INSECTES?

Certaines cultures sont complètement indépendantes de la pollinisation par les insectes, comme, par exemple, les céréales. La plupart, au contraire, sont tributaires à des degrés variables de l'activité des insectes, depuis 10 % de la pollinisation (vigne, betterave ), jusqu'à une dépendance totale vis-à-vis des insectes pollinisateurs (amandier, pommier, cerisier ..).

POURQUOI L'ABEILLE,EST-ELLE CHOISIE COMME AGENT POLLINISATEUR DES CULTURES ?

La plupart des insectes pollinisateurs sauvages (papillons diurnes, syrphidés, différentes "mouches", abeilles non domestiques, bourdons, andrènes, osmies ) ont disparu en raison des pratiques agricoles, en particulier à cause de l'utilisation des produits phytosanitaires. Les abeilles effectuent donc de nos jours la plus grande part de la pollinisation des cultures.

L'abeille est un pollinisateur très efficace (voir Pourquoi utilise-t-on l'abeille pour la pollinisation). Dans le cas du kiwi, l'abeille peut transporter sur son corps jusqu'à 100000 grains de pollen viables (seuls les bourdons ont une efficacité similaire, les autres pollinisateurs en portent 10 à 100 fois moins). De plus, grâce à sa grande taille, l'abeille effectue de nombreux contacts avec les appareils reproducteurs mâle et femelle situés sur les fleurs, augmentant ainsi la possibilité de transfert du pollen entre organes reproducteurs.

QUEL EST L'IMPACT DE LA POLLINISATION PAR L'ABEILLE SUR L'AGRICULTURE?

On estime que l'accroissement des productions agricoles qui dérivent de l'activité des abeilles correspond à une valeur 100 à 1000 fois plus élevée que celle correspondant à la production du miel. En pratique, les abeilles se révèlent au moins 100 fois plus utiles à l'arboriculteur qu'à l'apiculteur. En France, l'apport économique de l'abeille pour l'agriculture peut être évaluée approximativement à 4 milliards de francs.

QUELS SONT LES AVANTAGES DE L'AIDE À LA POLLINISATION ?

En France, l'aide à la pollinisation est une activité qui n'est pas encore complètement développée pour les apiculteurs si on la compare à l'importance qu'elle a aux USA. En particulier, certains apiculteurs continuent à effectuer gratuitement le service de pollinisation. Il est très probable que cette activité se développera dans notre pays, en particulier en raison de la concentration des exploitations agricoles et au développement de la production des semences hybrides.

Le service de pollinisation, effectué de façon rationnelle, permet d'obtenir un revenu assuré au départ et une ressource financière dans les périodes durant lesquelles la production de nectar est absente ou très réduite. Une partie de la rémunération servira à compenser les coûts inhérents à cette opération (déplacement des ruches, main d'oeuvre ) ainsi que l'affaiblissement des colonies due au fait que les fleurs de nombreuses plantes cultivées (par exemple kiwi, poirier) fournissent peu de nectar et/ou de pollen. Lorsque les colonies sont portées sur des cultures qui permettent la production de miel (par exemple colza, tournesol, luzerne), les apiculteurs renoncent le plus souvent à une rémunération.

QUELLE STRATÉGIE FAUT-IL SUIVRE?

Le problème pour l'apiculteur est d'évaluer les possibles bénéfices de cette pratique. Ceux-ci sont fortement conditionnés par la flore mellifère et les types de cultures présents dans la zone d'activité de l'apiculteur. Donnons un exemple d'une série d'opérations qui peut être effectuée : après l'acacia, les colonies sont fortes et sa floraison est immédiatement suivie par celle du kiwi, à la suite de cette aide à la pollinisation les colonies pourront rapidement se renforcer sur le tournesol et produire du miel.

Il est évident qu'il n'y a pas une stratégie unique. Nous nous proposons de donner au lecteur une sorte d'almanach qui lui permettra d'évaluer les intérêts possibles de l'aide à la pollinisation pour plusieurs types de culture. Les mesures générales à suivre sont décrites ici (voir Mesures à suivre par l'apiculteur et Mesures à suivre par l'arboriculteur) et chaque variation sera fournie pour chaque type de culture pas des fiches individuelles.

MORFOLOGIE FLORALE

FLEURS HERMAPHRODITES

Les étamines qui produisent le pollen (appareil reproducteur mâle) et le pistil (appareil reproducteur femelle), sont présents sur la même fleur (par exemple pommier, cerisier, luzerne). L'autofécondation peut être toutefois empêchée par des facteurs mécaniques, physiologiques ou biochimiques (auto incompatibilité).

FLEUR, UNISEXUELLES

Sur une fleur n'est présent que l'appareil sexuel mâle ou uniquement l'appareil femelle.On peut distinguer :

  • plantes monoïques, les fleurs mâles et femelles sont présentes sur une même plante (par exemple melon, courge, noisetier),
  • plantes dioïques, les fleurs mâles et femelles sont portées par des plantes différentes (par exemple kiwi, peuplier).

TYPES DE POLLINISATION

La pollinisation se fait par le transport du pollen depuis les étamines au stigmate. Ce transport peut être effectué par différents vecteurs ou transporteurs :

-les mollusques (malacophile),

-les oiseaux (ornithophile),

-les insectes (entomophile).

Photo 1 : Les insectes pollinisateurs sauvages ont en grande partie disparu (ici un pollinisateur du genre Osmia). Les abeilles effectuent la plus grande part de la pollinisation entomophile.

POURQOUI UTILISE-T-ON L'ABEILLE POUR LA POLLINISATION?

Photo 2 : L'abeille, de par sa taille et l'intensité de son activité, est un pollinisateur très efficace.

MESURES A SUIVRE PAR L'APICULTEUR

Les colonies employées pour le service de pollinisation doivent être bien peuplées et comporter un couvain ouvert abondant. Il faut donc les stimuler avec du sucre candi ou du sirop (nutrition artificielle) au moins 35-40 jours avant la floraison.

Le moment optimum de l'introduction des ruches est variable en fonction de l'espèce et même de la variété à polliniser. Il n'est pas conseillé de placer les colonies sur le site avant la floraison, car les abeilles risquent de tourner leur attention vers d'autres sources de nectar ou de pollen, et de continuer à butiner sur la flore spontanée au moment de la floraison de la culture intéressée.

Le nombre minimum de ruches à introduire dépend de la force de la colonie, du type de culture (période de floraison, nombre de fleurs à polliniser, acttractivité, etc) et des conditions climatiques. En moyenne 4-5 colonies par hectare couvrent les besoins de la plupart des cultures, toutefois ce chiffre varie de 2 colonies (par exemple melon) à 10-12 colonies par hectare (par exemple kiwi).

La disposition des colonies est importante pour optimiser l'activité pollinisatrice de l'abeille. La disposition varie, selon la culture, en raison des différences d'attractivité des espèces ou variétés végétales et du comportement de récolte de l'insecte. Elles ne doivent pas être déposées le long des rangées extérieures. L'entrée des ruches doit être orientée dans l'axe de l'inter-rangée de manière à ce qu'il y ait un espace libre devant les ruches. Si possible, il faut orienter les ruches vers le sud-est afin d'obtenir une activité matinale.

Photo 3 : Un apport supplémentaire de colonies est nécessaire pour les cultures peu attractives pour l'abeille (ici aide à la pollinisation du kiwi) .

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Il faut contrôler les ruches chaque semaine. L'apiculteur pourra ainsi remédier à d'éventuels problèmes et garantir à l'arboriculteur une bonne qualité d'activité de ses colonies.

Les colonies d'abeilles doivent être enlevées au moment de la chute des pétales. En effet, des traitements antiparasitaires sont généralement effectués dans les vergers à cette période. L'apiculteur doit être prévenu par l'arboriculteur du moment où doivent être retirées les colonies (au moins 2 jours avant).

MESURES A SUIVRE PAR L'ARBORICULTEUR

L'arboriculteur doit se mettre d'accord avec l'apiculteur au moins un mois avant la floraison, pour que les colonies puissent être préparées. Il est important que soit l'arboriculteur, soit l'apiculteur, reconnaisse le terrain, afin d'établir le nombre de ruches nécessaires ainsi que leurs futurs emplacements.

Pendant les semaines précédant immédiatement l'introduction des ruches dans la culture, l'arboriculteur doit éviter d'effectuer des traitements avec des produits persistants et toxiques pour l'abeille.

La flore herbacée spontanée (par exemple pissenlit, trèfle) présente dans ou à proximité du verger peut attirer les abeilles en raison de sa richesse en nectar et en pollen et risque d'exercer ainsi une compétition vis-à-vis des fleurs des plantes cultivées, il faut donc la faucher avant l'installation des colonies.

Il est de règle que l'arboriculteur contrôle l'activìté des colonìes pendant les heures les plus chaudes de la journée. Il pourra ainsi s'assurer de l'activité normale des colonies et prévenir l'apiculteur en cas de problème.

L'arboriculteur doit éviter d'appliquer des produits phytosanitaires pendant la floraison. Si un traitement est nécessaire, l'arboriculteur doit informer l'apiculteur (au moins 2 jours avant l'intervention), afìn que les colonies puissent être éloignées ou protégées. La même mesure doit être suivie dans les zones de culture limitrophes.

Le service de pollinísation comporte pour l'apiculteur des coûts assez élevés (nutrition artificielle de stimulation, déplacement des ruches, main d'oeuvre, perte d'abeilles , etc) qui ne sont pas compensés par la production de miel qui est habituellement faible ou nulle. L'apiculteur doit donc être rémunéré par l'arboriculteur.


M.Greatti-M.L.Zoratti-Jérôme Trouillier
Da L'Abeille de France n° 829 septembre 1997

(à suivre) abricotier,nashi,prunier,ecc